Presse: «Dupée», la ville de Genève accueille les scientologues à la Fête de la musique

La Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH), une ONG étroitement liée à l’Eglise de scientologie, a tenu un stand durant les trois jours de festivités. Une présence «autorisée par erreur», selon le coordinateur de l’événement phare de la ville de Genève

Des personnes portant le logo des ministres volontaires de l’Eglise de scientologie, ici à Los Angeles. Image d’illustration. — © Keystone/AP/Mark J. Terrill

Sarah Zeines
Publié le 26 juin 2023 17:12. Modifié le 27 juin 2023 22:14. Le temps.ch

Devant le mur des Réformateurs, un esprit religieux d’un genre particulier était à l’œuvre du 23 au 25 juin, à l’occasion de la Fête de la musique organisée à Genève. Loin du calvinisme historique de cet emplacement privilégié des animations, les bénévoles du stand de la Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH), une ONG fondée par l’Eglise de scientologie en 1969, ont parsemé la foule de leur propagande. Leur présence sur place a été autorisée par la municipalité, qui ignorait les origines de l’association. «Nous avons été dupés», reconnaît Laurent Marty, coordinateur de la Fête de la musique, alerté par les questions du Temps.

Visuels onusiens

Sur la promo-marchandise diffusée dans la foule, l’identité graphique de la CCDH rappelle largement celle de l’ONU, semant la confusion avec son Conseil des droits de l’homme, chargé de la promotion des droits humains dans le monde. Du bleu azur choisi pour les ballons à la liste des 30 droits humains défendus par l’association – le droit à la circulation, le droit à un monde libre et équitable ou encore le droit au mariage et à la famille – la ressemblance visuelle est frappante. «Concernant ce stand d’information, la collaboratrice qui a traité la demande d’autorisation a simplement vu qu’il s’agissait d’une ONG qui défendait les droits humains, puis elle a mis un des trois emplacements destinés aux associations à leur disposition, précise Laurent Marty. C’est la première et la dernière fois qu’ils participent à notre événement avec ce que nous savons désormais.»

Si les associations choisies «se doivent de refléter une exemplarité morale», selon Laurent Marty, il peut arriver parfois que des revendications moins nobles bénéficient des recettes générées par l’événement, soit entre 5000 et 10 000 francs pour un stand de nourriture et boissons. «Parfois, des associations en apparence humanitaires ne le sont pas, souligne le coordinateur. Dans les années 1990, notamment, nous avons eu les cas d’associations de minorités kurdes qui avaient des objectifs militaires. Comme nous avons une politique de neutralité absolue, nous devons veiller à ne pas fournir une plateforme aux mouvements au cœur de conflits. En tant que mouvement religieux sujet à controverses, la scientologie entre dans cette catégorie.» Contactée, la CCDH déclare qu’elle n’était «pas présente» à la Fête de la musique, sans expliquer la présence des flyers promouvant ses activités, consistant à dénoncer «les abus dans la psychiatrie et à apporter des réformes dans le domaine de la santé mentale», sur le stand en question.

Lire aussi: L’Eglise de scientologie tente de profiter de la pandémie pour recruter

La Suisse ne surveille pas les scientologues

Pour rappel, l’Eglise de scientologie est au cœur d’une longue série de condamnations en justice largement médiatisées, avec des accusations qui vont de la pratique illicite de la médecine à l’escroquerie ou encore la fraude. Citons notamment la condamnation en 2009 de la branche française de l’Eglise pour escroquerie en bande organisée. Son antenne belge a en revanche été acquittée de charges similaires en 2016.

La Suisse, qui abrite plusieurs antennes de l’Eglise, a aussi été le théâtre de polémiques scientologues à moindre échelle. L’inauguration à Bâle, en 2015, du plus grand centre du pays a été accueillie par des jets d’œufs. Dans le «Rapport sur la scientologie et les sectes en Suisse», publié en 1998 par la Confédération, les experts qualifient l’organisation de «totalitaire», mais jugent ses déviances insuffisantes pour une surveillance active des Services de protection de la Constitution.
La CCDH, elle, a également été sous le feu des critiques. En 2009, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), une entité française, a souligné ses liens avec l’Eglise de scientologie et critiqué ses méthodes. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des campagnes de désinformation visant la profession psychiatrique ont été dénoncées par des groupes de défense des droits de l’homme et des professionnels de la santé mentale. Quant à Genève, la CCDH tient périodiquement des stands dans le grand hall de la gare Cornavin. «Depuis un jugement du Tribunal fédéral en été 2012, les gares sont considérées comme des lieux publics et les CFF ne peuvent pas refuser des demandes de stands ou de distribution de type commercial, politique, religieux ou idéologique», souligne Frédéric Revaz, porte-parole de l’institution ferroviaire.
Les scientologues semblent avoir encore de beaux jours devant eux en Suisse.

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Commentaire de Vigi-Sectes

La scientologie sait se confondre avec le paysage comme les caméléons. Cette secte est dangereuse mais contrairement à ce que beaucoup pensent, mal connue.

Voici ici un essai issu du livre d’un des fondateurs de notre association, Paul RANC: La scientologie une secte dangereuse.



Presse: Alain Stoffen: Un ex-adepte de la scientologie témoigne.

Un ex-adepte témoigne
Par LEXPRESS.fr ,
publié le 13/05/2009

Pendant quinze ans, le pianiste belge Alain Stoffen a vécu sous l’emprise de la secte. Il raconte son “Voyage au coeur de la Scientologie” (Privé), qui l’a manipulé, ruiné et a détruit sa famille. Extraits exclusifs.
“L’argent commence à manquer”
[Avril 1986. Alain Stoffen vient d’arriver au centre de Copenhague de la Scientologie qui doit lui délivrer son “état de Clair”, pour lequel il a déjà déboursé 45 511,29 francs.]

-Serre les boîtes!

Olivier, mon auditeur, vient de me poser dans le creux de chaque main une électrode, un petit tube cylindrique en métal relié à l’électromètre. […] Il attend de moi que j’exerce sur les électrodes une pression légère et progressive que je dois ensuite relâcher d’un coup.

-Il faut que je règle la sensibilité, m’explique-t-il.

Je m’applique mais, comme je suis un peu stressé, mon “serrement de boîtes” ne convient pas. […] Mes mains sont en effet trop sèches, d’après lui, pour établir un bon contact électrique. Il me tend une crème hydratante. La tentative suivante est la bonne. […] J’ai cette impression de rencontrer quelqu’un à qui je peux ouvrir mon jardin secret en toute confiance, un échange précieux et complice qui m’a tant manqué jusque-là. J’ignore que cette attitude chaleureuse n’est autre que le résultat d’un véritable programme d’entraînement, voire de conditionnement poussé à l’extrême. […]

L’argent commence à me manquer. Mon crédit d’heures ayant été épuisé, il m’a été demandé d’acheter un supplément afin de pouvoir aller au bout de mon programme. Le superviseur des cas a été formel: le dénouement est proche. Dans l’état où je suis, il est inconcevable de ne pas continuer les auditions. Imaginons un seul instant que je craque et que je reparte à Paris, un “comité d’accueil” m’attendrait sur la piste d’atterrissage pour me cueillir dès ma descente d’avion et me remettre manu militari dans le prochain vol pour Copenhague. Pour eux, ne pas agir ainsi reviendrait à me laisser tomber, à trahir leur engagement. Je débourse donc la somme de 6 494,97 francs pour quelques heures d’audition supplémentaires. […]

Menacé par un “chien de garde”
[Suite à l’échec du premier séjour, la Scientologie le convainc de retourner à Copenhague en novembre 1986, en lui promettant qu’il n’aura rien à payer.]

Je suis heureux de retrouver Olivier, mon auditeur.

  • Ne t’en fais pas, me dit-il, se voulant rassurant. Quoi qu’il arrive, je vais te sortir de là.

Me remettre sur pied, de la façon dont le superviseur des cas l’a prévu, il ne veut pas s’en contenter: pour lui, il n’y a aucun doute, je ne repartirai pas sans cette reconnaissance de l’état de Clair, qui pour lui est une évidence. […] En quelques heures à peine, je suis en train de renaître de mes cendres. Je me sens à nouveau libre. La promesse de l’état de Clair, avec cette perspective d’une nouvelle vie, je la sens en moi, et ce, pour toujours. […] Plusieurs séances se succèdent, mais, contrairement à toute attente, plutôt que de confirmer cet état de bien-être auquel je viens d’accéder, elles me font à nouveau chanceler… Ne voulant pas revivre le cauchemar de mon premier séjour, je veux arrêter. Or, ils ne l’entendent pas de cette oreille: tout comme la dernière fois, ils veulent remettre en marche cet énorme rouleau compresseur qui a fini par me broyer. […] Le lendemain, je suis convoqué auprès d’une des responsables. -Tou doua trovair oun solution por péyé, me dit-elle dans un français à l’accent espagnol fort prononcé.

Il doit sûrement y avoir un malentendu, ce que je tente de lui faire comprendre. […] Aussitôt je suis amené devant le MAA [master at arms, “maître des armes”]. Une fois dans son bureau, particulièrement énervé, je lui explique que, depuis mon rendez-vous avec cette Chantal à Paris et mon arrivée ici il y a une semaine, on m’a annoncé tout et son contraire et qu’il est grand temps que tout le monde ici accorde ses violons. […]

-Nous t’avons en effet ouvert un compte, ce qui, sache-le, est une mesure tout à fait exceptionnelle, valable uniquement pour quelques heures. Là, il se trouve que tu viens de dépasser les vingt heures. […]

-Ça représente quoi?

-113 000 francs.

-Pardon? C’est une blague?

Je fais le calcul: cela représente 5 600 francs l’heure, quasi trois fois plus que le tarif normal! […]

-Mais… mais je n’ai pas une telle somme…

-Tu verras ça avec Britta, elle t’attend, me dit-elle avant de me donner congé.

Britta n’est pas seule à m’attendre: un homme, que je ne connais pas, se trouve à ses côtés. L’homme a une tête de bulldog. Il est bâti comme un catcheur, tout en muscles. Vêtu d’un blouson en cuir noir, un chewing-gum dans la bouche, il semble nerveux. Il me fait savoir qu’il fait partie du Watchdog Committee, les hommes de main de la direction mondiale, d’après ce que j’en comprendrai plus tard. Watchdog signifie littéralement “chien de garde”. Soudain, il montre ses crocs. Il se met à me hurler dessus:

-Est-ce que tu sais quelle est notre mission?… On est ici pour mettre la planète au clair!

Il est rouge de colère.

-On est là pour sortir l’humanité de la boue!… Et toi, tu nous dois de l’argent… beaucoup d’argent!

Je voudrais lui expliquer qu’il s’agit d’un énorme malentendu, mais les mots ne sortent pas de ma bouche, je suis comme paralysé…

-Je n’ai pas l’impression que tu mesures la portée de tes actes!… c’est une trahison!

[…] N’étant pas armé pour faire face à tant de violence, je m’effondre en larmes.

-Je ne veux pas savoir comment tu vas t’y prendre! Appelle tous les gens que tu connais, en France, en Belgique, je m’en tape, mais je veux ce putain d’argent maintenant!

J’ai une demi-heure, pas une minute de plus, pour réunir les fonds… […] Moi, je n’y arrive pas, même en y mettant toute ma volonté. […] Je me sens au bord d’un énorme précipice: j’ai peur que le groupe ne me rejette et qu’il me retire toute aide et tout support, fermant ainsi les portes qui m’auraient permis d’accéder à la promesse de l’état de Clair. Etre exclu est un châtiment extrême redouté par tous. A nouveau convoqué devant le maître des armes, on m’oblige à faire un véritable examen de conscience, à me repentir. Cette fois-ci, docile, je me soumets à cette confession par écrit que quelques mois auparavant j’avais refusée. […] Tout ce que j’ai fait et que je n’aurais pas dû faire, tout ce que je n’ai pas fait et que j’aurais dû faire… Les moindres dérapages de toute une vie, rien n’échappera à la “vérification à l’électromètre” qui viendra entériner ces aveux par écrit. Ce n’est qu’après avoir signé une reconnaissance de dette que j’obtiens finalement du “capitaine”, le n°1 du centre, l’autorisation de partir.

Le lexique du scientologue
L’état de Clair: c’est la première étape du parcours d’un adepte débutant, dit “pré-Clair”, en scientologie. Elle permettrait de chasser toutes les peurs, les anxiétés et les pensées irrationnelles. Ce passage obligé coûterait entre 45 000 et 75 000 euros.

OT: après avoir été consacré Clair, l’adepte doit passer “sur le Pont” une série d’examens de passage où il devient thétan opérant, ou “être spirituel”. Il y a 8 niveaux OT, d’OT 1 à OT 8.

Organisations avancées: ces centres dispensent les niveaux OT. Il y en a deux en Europe: Copenhague (Danemark) et East Grinstead (Grande-Bretagne).

Flag: cette organisation opère sur le Freewinds, un bateau de 134 mètres basé à Curaçao (Caraïbes), et est seule habilitée à délivrer le niveau OT 8, la “complète réalisation de l’immortalité”.

Celebrity Centers: la Scientologie y offre un traitement privilégié pour les artistes, musiciens ou comédiens, qui deviennent ensuite d’excellents vecteurs de propagande.

Electromètre: censé “mesurer l’état ou les changements spirituels”, c’est en fait un vulgaire appareil mesurant la résistance électrique du corps d’une main à l’autre.

Les PTS et les SP: ce sont les ennemis de la Scientologie. Les PTS (sources potentielles de troubles) sont récupérables, alors que les SP (personnes suppressives) ont atteint un état irréversible.

Le brevet d'”homme nouveau”
[En mars 1994, il accepte un troisième séjour à Copenhague.]

Le superviseur des cas a programmé une première action qui consiste à “nettoyer les bouleversements”, à nouveau selon ces techniques qu’on m’a fait subir pendant de longues heures lors de mon premier séjour et qui ont fini par se transformer en véritable torture. […] Une fois de plus je me sens à la merci d’un auditeur et d’une machine… Je suis néanmoins prêt à jouer le jeu -“autre auditeur, autre résultat”, me dis-je- non sans un certain scepticisme… […] Le jour suivant, après avoir reçu ma troisième séance, la moutarde me monte au nez. Je me rends à l’évidence: une fois de plus, ces auditions non seulement n’aboutissent à rien, mais m’indisposent sérieusement. Je sens une colère monter en moi. […] On m’annonce que je vais être pris en séance par un “classe IX”, un auditeur ayant atteint le plus haut degré de formation et habilité à délivrer des auditions de haut niveau. Une fois installés dans la salle d’audition, face à face, l’électromètre entre nous deux, il ouvre mon dossier et, tout en me regardant droit dans les yeux, d’un ton solennel me dit:

-Le superviseur des cas m’a chargé de te dire que nous avons toutes les preuves que tu es Clair.

Je reste sans voix, ébahi… L’émotion me submerge. Ces quelques mots qu’il vient de prononcer, depuis longtemps j’avais perdu tout espoir d’un jour les entendre. Le groupe vient de m’accorder cette reconnaissance ultime qu’est l’état de Clair. […] Maintenant que la nouvelle est officielle, je suis devenu un homo novis, un “homme nouveau”. J’entre dans ce cercle privilégié que sont les Clairs, et de ce fait je vais avoir l’immense honneur de recevoir officiellement mon invitation pour commencer le “grand voyage” […] : les niveaux d’OT (operating thetan). Au-delà de l’état de Clair, huit autres niveaux me restent à franchir: de OT 1 jusqu’à OT 8. Le contenu de ces niveaux est strictement confidentiel, tous ceux qui y sont passés étant tenus au secret.

Payer ou être chassé
[En 1996, Alain Stoffen écrit à l’International Justice Chief pour contester sa dette de 46 000 francs, mais, l’année suivante, la réplique arrive.]

-Ils veulent te déclarer “PTS type D”.

-Attends, tu n’es pas sérieuse, là?

-Je crains que si.

[…] J’ai beau argumenter, m’expliquer, la procédure a été déclenchée, me répond-on, impossible de faire marche arrière. C’est une décision qui vient d’en haut! La sentence est tombée. Elle est irrévocable, sans appel. […] Je n’ai donc plus le droit de mettre les pieds dans un centre de Scientologie, quel qu’il soit et où qu’il soit. En une fraction de seconde je vois ma vie basculer. “En haut”, ils ont décrété que je suis un hérétique à excommunier, un fauteur de troubles à chasser. Un suppôt du Mal. […] Je suis bloqué dans ce petit bureau au sous-sol du Celebrity Center, le document contenant ma condamnation en tant que PTS type D sous les yeux, condamnation qui signifie la mort de mon couple, que pour rien au monde je ne veux voir sacrifier sur l'”autel de la scientologie”. “Cet ordre d’éthique a été écrit et sera publié si vous ne changez pas d’idée.” C’est écrit noir sur blanc! Il me faut désamorcer cette bombe. Or, je n’ai pas les 47 000 francs exigés en haut lieu. En face, on me somme de faire “un geste”, pour “montrer ma bonne foi”.

-C’est quoi, c’est combien, un geste?

-C’est à toi de le dire…

Je signe un chèque de 10 000 francs. La sentence est levée, je ne serai pas déclaré PTS type D. Mais je ne suis pas sauvé pour autant, ma dette court toujours. […] Je suis loin d’imaginer que mon interlocutrice ainsi qu’Isabelle se sont en réalité livrées à un jeu de rôles dont le déroulement a été minutieusement élaboré “en haut lieu”. Ce document secret porte la mention: “Ce qui suit est un programme pour manier Alain Stoffen.”

Couple sous surveillance
[En 1998, Alain et Camille, son épouse également adepte de la secte, donnent naissance à Sébastien, mais dès l’année suivante leurs relations se dégradent.]

En scientologie, rien n’est du domaine privé. Le moindre problème, même le plus intime, se doit d’être rapporté et soumis aux différents responsables concernés, superviseur des cas, officier d’éthique… Mon couple bat de l’aile, je suis donc reçu par le “chapelain”, sorte de médiateur qui, tel qu’il est présenté, dispose de tous les outils nécessaires pour venir à bout de tous les conflits, quels qu’ils soient. […] Quelques jours auparavant, il s’est longuement entretenu avec Camille, qui, ainsi qu’il me le rapporte, est venue d’elle-même solliciter un entretien. En réalité, me confie-t-il, elle ne va pas bien… pas bien du tout. […]

-Elle a besoin d’aide, de ton aide. Tu dois prendre la responsabilité pour elle et ton couple, me dit le chapelain.

[…] Dans les semaines qui suivent, à la maison, la tension devient insoutenable. Il suffit d’un rien, d’un regard de travers, d’un mot de trop, pour que les reproches à mon égard, les insultes fusent. Mais, d’après les “précieux” conseils que le chapelain m’a prodigués, je dois prendre sur moi, rester impassible. Je tâche de me retrancher dans mon rôle de père. La petite bouille tellement adorable et innocente de Sébastien, ses petits yeux souriants et ce regard plein de confiance, j’y trouve un réconfort immense.

Au Celebrity Center, on a décidé de s’y mettre à plusieurs pour me convaincre d’acheter des heures d’audition afin que Camille puisse être prise en séance le moment venu. La tâche ne leur est pas difficile, ils savent fort bien que je suis prêt à tout pour aider Camille et sauver mon couple. N’ayant pas d’autre solution, et face à leur insistance, je débloque les fonds, 13 000 francs exactement. […] En réalité, plutôt que d’apaiser nos relations, on n’a fait qu’envenimer la situation en me forçant la main dans le choix de mes priorités. Selon Camille, si nous avons des difficultés financières, c’est ma faute. […]

Aussitôt, Camille prend sa plume et dans le plus grand secret, le 30 octobre 1999, elle rédige un rapport de délation qu’elle fait parvenir aux responsables de l’appareil disciplinaire du Celebrity Center. Ce rapport reprend dans les moindres détails l’ensemble des actions qu’elle a menées pour me soumettre à cette dictature financière, sous la férule de la Scientologie. Je suis loin d’imaginer que la Scientologie s’est totalement immiscée dans l’intimité de notre couple. Rien ne leur est étranger, rien ne leur échappe, ni nos sentiments ni nos finances…

Le mercredi 3 novembre 1999, nous sommes convoqués. Cela fait des jours et des jours qu’à la maison Camille m’évite, m’ignore, ne m’adresse plus la parole. C’est dire combien le malaise est grand dans ce minuscule bureau au sous-sol du Celebrity Center, où nous nous trouvons assis côte à côte, presque à nous toucher, face au chapelain. […] Les modalités de la séparation sont consignées dans leurs moindres détails: “séparation de corps et de biens”, “vendre la Rover” (28 000 francs), “Alain peut garder la 205”, “Alain trouve 1 appt”, “Alain vient le matin garder Sébastien”, « Sébastien peut venir dormir chez Alain”, “la vente de la Rover va dans les impôts”, “Alain donne 300 francs par mois à Camille pour Sébastien. Au 10 du mois”. La vie de Sébastien est également minutieusement organisée jour par jour et consignée dans le document. […]

Alain Stoffen “Je veux faire tomber les masques”
Pourquoi médiatiser votre histoire, et donc la revivre, au lieu de tourner la page?

Je m’étais enfermé dans la souffrance de mes blessures. Cela me tuait de l’intérieur, je somatisais. Après avoir été interviewé par une chaîne de télévision, j’ai senti que la parole me ramenait à la vie. J’ai revécu mes quinze années de Scientologie en dix mois d’écriture. Je me suis libéré d’un énorme poids. Un vrai travail thérapeutique. Que le calvaire que j’ai vécu soit reconnu me fait du bien. Je ne supporte pas que cette secte continue de passer entre les mailles des filets judiciaires et abuse les pouvoirs publics avec son double discours et ses mensonges. Je veux faire tomber les masques, que la vérité éclate.

Redoutez-vous la réaction de la Scientologie?

Il y aura des représailles. Je suis quasi certain que la secte portera plainte contre moi. Ou qu’elle tentera d’instrumentaliser Camille, la mère de mon fils, qui est toujours scientologue. Même si j’ai scrupuleusement préservé sa vie privée. Je ne suis pourtant pas très inquiet. Quelle action pourraient-ils encore décider contre moi après tout le mal qu’ils m’ont déjà fait? Ils m’ont déjà poussé au suicide, après avoir détruit mon couple. Derrière leur façade clinquante, il y a un empire de haine.

Propos recueillis par, Koch François
Camille, depuis son arrivée six ans auparavant, a enchaîné de nombreux services, cours et auditions, et ainsi fait entrer beaucoup d’argent dans les caisses de l’organisation. Ils ne peuvent pas en dire autant de moi: je suis bloqué sur le Pont, toujours à cause de ma dette. Même si pendant plusieurs années ils se sont servis de mon image en tant qu’artiste pour promouvoir la Scientologie à l’extérieur, entre Camille et moi leur choix est fait: dans cette affaire, c’est le plus scientologue des deux qui doit l’emporter. […]

Constatant que je ne pars pas, Camille passe à la vitesse supérieure. Elle rédige un rapport de délation, mais cette fois-ci, au lieu de l’adresser au chapelain, elle décide de court-circuiter toute la chaîne hiérarchique locale et de l’adresser directement au n°1 mondial de l’organisation, l’ED-Int, l’Executive Director International, dont le bureau est à Los Angeles, avec une copie pour l’OSA. L’Office of Special Affairs est officiellement le département juridique. Derrière cette dénomination se cache en réalité -ce que, comme bon nombre de scientologues d’ailleurs, j’ignorais- une véritable officine d’espionnage et de “coups tordus”, agissant toujours dans l’ombre. Un appareil secret qui a pour mission de venir à bout de toute opposition et de mettre hors d’état de nuire tous les ennemis. […]

Samedi 12 février 2000, Camille a loué un camion et fait venir à la maison quelques-uns de ses amis pour lui prêter main-forte afin d’emporter une partie du mobilier. Le soir, je me retrouve seul dans un appartement dépouillé. La chambre d’enfant est vide… Sébastien n’est plus là.

Scientologie: encore un dossier judiciaire amputé

Scientologie: encore un dossier judiciaire amputé

 

Après la disparition d’une partie d’un dossier d’instruction concernant l’Église de Scientologie voici un an à Paris ; ce sont les scellés d’un autre dossier concernant la secte qui ont été détruits à Marseille.

La Garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, a assuré hier que « la lumière serait faite » sur la destruction de scellés, à la fin de 1998, dans un dossier impliquant l’Église de Scientologie, qui résulte d’une « méprise » sans intention malveillante, selon le parquet de Marseille. Mais cette destruction d’une « cinquantaine » de pièces au greffe du palais de justice de Marseille, a suscité de vives réactions, en particulier des associations anti-sectes.

« Infiltration » de l’institution judiciaire ?

Survenant un an après la disparition au Palais de justice de Paris d’une partie du dossier d’instruction sur une autre affaire touchant la Scientologie, cet épisode a suscité des interrogations quant à une éventuelle « infiltration » de l’institution judiciaire par l’Église de Scientologie. « Je ne suis pas surpris, mais ça commence à faire beaucoup », a jugé le président de la mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), Alain Vivien, alors que le député-maire de Montreuil, Jean-Pierre Brard (app PCF), membre de la mission, a demandé à la chancellerie de procéder à des « vérifications » concernant certains magistrats.

« En avoir le cœur net »

Le premier vice-président de l’Assemblée nationale, Raymond Forni (PS), s’est dit quant à lui convaincu que cette destruction n’était « pas accidentelle ». Une version que récusent les magistrats marseillais qui assurent qu’aucune pression n’a été exercée par les Scientologues contre des juges ou des fonctionnaires du Palais de justice. Selon eux, la destruction résulte d’une erreur, le greffe ayant cru que l’affaire avait été jugée depuis plus de trois ans et que ces pièces pouvaient en toute légalité être détruites. Tout en jugeant qu’« à première vue » la destruction semblait être une « erreur », Mme Guigou a annoncé qu’elle avait immédiatement diligenté une « inspection au greffe de Marseille » pour en avoir « le cœur net ». Selon le parquet de Marseille, cet épisode n’empêchera pas le procès de sept responsables régionaux scientologues de débuter, comme prévu, le 20 septembre 1999 devant la 6e chambre du Tribunal correctionnel de Marseille notamment pour « escroquerie, exercice illégal de la médecine et violences avec préméditation », suite à la plainte d’un ancien adepte.

Pièces « annexes »

Les pièces détruites sont « annexes », « le dossier est là, il est entier » et « je ne vois pas de raison de retarder le procès ni de l’annuler », a déclaré Yves Le Baut, premier procureur adjoint du parquet de Marseille. Un avis partagé par l’Église de Scientologie. Sa porte-parole, Danielle Gounord, ne voit « pas l’intérêt de faire disparaître ces documents puisqu’ils n’ont pas servi à l’instruction » et estime que « cela ne changera rien au déroulement de procès ».
Selon une source judiciaire, les documents détruits ont fait l’objet d’expertises qui figurent dans le dossier. Durant l’instruction, « personne n’a éprouvé le besoin de les consulter ». Mais, admet-elle, il est possible que lors du procès, les avocats de la défense jouent sur cette destruction pour demander une annulation de la procédure, comme cela s’était produit en 1995, pour vice de forme.

Article DNA du Jeudi 9 Septembre 1999.

 


Les sectes sont dans nos rues

Députée des HautesPyrénées, Chantal RobinRodrigo appartenait à la commision restreinte (15 membres au lieu de 30) chargée d’établir, pour l’Assemblée Nationale, un rapport sur les sectes et l’argent. Cette commission a travailé dans la plus grande discrétion. On sait que la précédente commission qui avait été chargée de dresser un état des lieux des sectes en France avait été infiltrée.

200 sectes répertoriées

Hier soir, Chantal RobinRodirgo, au cours d’une conférence de presse, exposait le travail réalisé. 200 sectes ont été répertoriées dont certaines sévissent à Tarbes et dans le département. Les fonds dont elles bénéficient ou détournent sont énormes. chantal Robin Rodrigo n’hésite pas à affirmer: «Au travers de la fromation professionnelle, EDF, IBM France ont été infiltrés. Une secte a détourné plusieurs centaines de milliers de francs à EDF. Une autre a détourné jusqu’à 230 millions de francs aux chambres consulaires.
L’aMORC, qui bénéficie d’un siège à Tarbes, possède un capital de 140 milions de francs.
Celui des Témoins de Jéhovah s’élève à 1 milliard de francs».

La députée s’est rendue sur le terrain, un peu partout en France. «Ces sectes, s’appuient, entre autre, sur de pseudos-bénévoles qu’elles font travailler. C’est le cas du Patriarche qui retire le RMI aux jeunes qu’elle accueille. A Louviers, une imprimerie des Témoins de Jéhovah emploie 480 personnes bénévolement car toutes adeptes. A Tarbes, une association s’occupant de gens en fin de vie est une secte. Elle pénètre l’hôpital. D’autre part, plusieurs entreprises du département font leur formation au travers de structures qui appartiennent à la scientologie. Une plainte vient d’être déposée par un comité d’entreprise».

Partout

Les sectes sont partout. Pour lutter efficacement contre cette infiltration, la commission a proposée 6 mesures et émis 30 recomandations.

Parmi les mesures, on retiendra: l’aménagement du statut des asociations à partir de 500.000 F impliquant un examen des comptes, l’obligation de rapport sur la fiscalité de ces associations, l’élaboration d’une circulaire sur la séparation de l’Église et de l’Etat, l’interdiction d’un quelconque culte aux rais de l’Etat. Au moment des campagnes électorales, l’obligation d’avoir obtenu un seuil de voix aux précédentes législatives pour obtenir l’aide de l’Etat, l’obligation d’être parrainé par un minimum d’élus pour pouvoir bénéficier durant une campagne électorale d’un temps d’antenne adio ou télé.

Ce rapport a été voté à l’unanimité. On espère en son efficacité a la suite. Mais, dans le domaine des sectes rien n’est facile. Il y a, par exemple, 3.000 médecins dans des sectes en France. Et lors des nombreuses auditions, d’anciens adeptes ont donné à la commission les noms de personnages publics appartenant à l’une ou l’autre des 200 sectes présentes en France.

 

La Dépêche Jean-Jacques DARD

 


Humanisme et vol yogique désarment la République

Les listes issues de mouvements sectaires bénéficient de publicité gratuite et de fonds publics. En toute légalité.

 

«Le fait est que ces groupes ont une existence juridique distincte de celle des sectes qui les inspirent.» La mission interministérielle sur les sectes. On ne peut rien y faire», se désole le centre Roger-Ikor contre les manipulations mentales. «Impossible d’empêcher ces candidatures», regrette le député PS de l’Essonne Jacques Guyard. C’est encore la mission interministérielle sur les sectes qui paraît la moins résignée: «On n’a pas de solution, mais on va bien finir par en trouver une.»

La candidature annoncée des listes du Parti de la loi naturelle et du Parti humaniste relance l’interrogation: la République peut-elle laisser concourir des groupes désignés par ses services comme étant le faux nez de sectes pures et dures ? D’autant qu’elle les finance, ces listes contestées. Le Parti de la loi naturelle a ainsi touché 123 488,87 francs de l’Etat, fruit de sa dernière participation aux élections législatives de 1997. «C’est du racket sur le financement public !», proteste le sénateur radical de gauche Jean-Michel Baylet. Peut-être. Mais le coup est imparable. «Le fait est que ces groupes ont une existence juridique distincte de celle des sectes qui les inspirent», explique la mission interministérielle sur les sectes.

Installée à Matignon, cette mission renvoie la balle au législateur pour ce qui est de trouver la bonne formule. Elle a pour tâche d’alerter les citoyens, les institutions ou les entreprises sur les pratiques sectaires. Mais elle ne veut surtout pas empêcher financièrement l’émergence de partis qui, pour paraître farfelus, n’en seraient pas moins sincèrement démocratiques. La République n’est pas encore disposée à créer la Haute Autorité qui jugerait du bien-fondé intellectuel des différents programmes…

La lévitation contre le chômage. Les «vols yogiques» et autres «séances de cohérence» seront donc une nouvelle fois proposés pendant cette campagne. Interdit de rire: il paraît qu’on doit à ces techniques la fin de la grève des transports de décembre 1995 et la baisse de 20 % de la criminalité dans les rues de Washington. C’est en tout cas ce qu’assure Benoît Frappé, la tête de liste européenne des tenants de la loi naturelle. Si on voulait bien l’écouter, ce monsieur, on se rendrait compte que son parti peut «garantir les résultats» de ces lévitations. Contre le chômage notamment, contre la délinquance et les guerres aussi.

Le Parti humaniste, lui, ne «garantit» rien, mais il s’occupe en plus d’écologie. Ce dernier parti se présente allègrement comme grand «guérisseur de maux sociaux». Selon le rapport parlementaire Gest-Guyard de 1995, il ne serait en fait que l’expression politique du Mouvement humaniste dûment répertorié comme secte par les Renseignements généraux. C’est la méditation transcendantale du «grand sage illuminé» Maharishi, mouvement inscrit au tableau des sectes, qui inspirerait de la même manière le Parti de la loi naturelle.

Outre le financement de l’Etat, la participation aux campagnes électorales de ces deux formations se traduit en temps d’antenne à la télévision. La politique ne serait qu’un mode de diversification de l’entreprise sectaire, selon l’Association pour la défense des familles et de l’individu contre les sectes. L’ancien député UDF de la Somme Alain Gest a demandé en 1995 une «dissolution administrative ou judiciaire» de ces mouvements. Mais sans en préciser le mode opératoire.

Le mandat impératif interdit. Alain Vivien, président de la commission interministérielle sur les sectes, cherche plutôt une solution du côté de la Constitution. Le premier alinéa de son article 27, par exemple, rejette le principe du mandat impératif et interdit de ce fait à un candidat de ne présenter qu’un seul thème de campagne. Mais, en plus des vols yogiques contre le chômage, le parti de Benoît Frappé pourrait alors très bien prôner la culture des pâquerettes sur la planète Mars pour en finir avec la faim dans le monde…

Tant que les candidats seront de nationalité française, âgés de 23 ans au moins et dotés de tous leurs droits civiques, rien ne pourra leur interdire de se présenter aux électeurs. La loi électorale est bien faite. Celles qui régissent le comportement psychologique des humains sont beaucoup plus aléatoires.

GILBERT LAVAL Libération

Presse: La pieuvre scientologue

Voici 2 articles de L’Express, sans commentaires,  


http://www.lexpress.fr/Express/Info/Societe/Dossier/scientologie/dossier.asp?id=212254

La pieuvre scientologue

L’Express du 17/10/1996
Calvaire d’une scientologue
par François Koch

Secrétaire au chômage, elle répond à une annonce proposant de devenir «auditeur dianétique». Comme elle n’était pas assez «pure», il lui en a coûté 1 million de francs en deux ans. A Lyon, elle témoignait à charge

Aujourd’hui, elle a honte d’avoir été victime d’une telle escroquerie intellectuelle. Elle se cache. Elle se sent coupable! Un peu comme la victime d’un viol. «N’écrivez pas mon nom», supplie cette ex-adepte de la Scientologie. Pourtant, il y a deux semaines, face à 23 responsables de la secte accusés d’escroquerie, d’abus de confiance ou d’homicide involontaire, cette célibataire de 60 ans a trouvé le courage de témoigner à la barre du tribunal correctionnel de Lyon.

Entre deux sanglots, cette ex-secrétaire de direction a expliqué comment les scientologues lui ont arraché ses économies et l’héritage de son père, soit, au total, 1 million de francs en deux ans! «J’ai subi une pression psychologique insensée; j’avais perdu mon libre arbitre.»

«Aidez les autres à être mieux dans leur peau. devenez auditeur dianétique.» A l’automne de 1988, c’est cette petite annonce obscure, lue dans un hebdo lyonnais gratuit, qui l’attire au centre de dianétique de la place des Terreaux, cache-sexe de la secte. Elle était naïve et chômeuse. «Auditeur? Je pensais que c’était un nouveau métier.» Alors, docile, elle achète La Dianétique. La puissance de la pensée sur le corps, livre culte du gourou américain Lafayette Ron Hubbard, et répond au fameux test de QI en 200 questions. «On m’a dit que les résultats étaient mauvais. J’étais irresponsable. Je devais m’améliorer pour parvenir à l’état de “clair”, mot clef du jargon scientologique.» Bonne fille, elle accepte de payer 1 500 francs pour des cours de communication et d’intégrité personnelle, puis 11 500 francs pour le cours HQS – entendez: hautement qualifié scientologue.

Comme une ogue…

«Petit à petit, je suis devenue obsédée par l’envie de connaître cet état de félicité.» L’étape suivante, la cure de purification, coûte 30 000 francs: sauna, gymnastique, surdoses de vitamines.. «Avec cette “purif”, tu seras préservée en cas de guerre atomique», lui fait-on croire. Vient alors l’étape la plus dangereuse, les auditions à l’électromètre. Il faut répéter des centaines de fois le même geste, le même mot, revivre des moments pénibles de son passé… et raconter ses vies antérieures, parfois jusqu’à 108 000 milliards d’années avant Jésus-Christ! Vendu 39 000 francs aux adeptes, l’«électromètre» n’est, en fait, qu’un médiocre ohmmètre (quelques centaines de francs dans le commerce), qui mesure la résistance électrique du corps d’une main à l’autre. Mais, pour les scientologues, c’est une invention capitale, propre à détecter les pensées douloureuses!

«L’audition était devenue pour moi un besoin, comme une ogue», reconnaît l’ancienne adepte. C’est alors qu’a commencé le harcèlement. Un engrenage: impossible de finir une série de cours ou d’auditions sans donner son accord pour la suivante. Avec une règle d’or: payer d’avance. Et vite! A défaut, plusieurs scientologues débarquaient à son domicile. «Une fois, ils sont restés de 20 heures à 2 heures du matin: j’ai signé les deux chèques demandés, un de 129 000 francs, l’autre de 49 000.» Elle raconte aussi avoir été séquestrée à Copenhague, siège «avancé» de la Scientologie européenne, alors qu’elle voulait rejoine en France son père mourant. Ce qu’un témoin a confirmé. Les scientologues ont même utilisé un adepte – pourtant prêtre catholique – pour aller récupérer chez elle 58 000 francs! «Ils me disaient que, si j’interrompais les auditions intensives, je risquais d’avoir un grave accident», explique-t-elle.

Aujourd’hui, elle espère que les 23 scientologues jugés à Lyon seront lourdement condamnés, le 22 novembre. Et si, comme le murmurent déjà certains, les peines sont minimes? Si le dossier d’instruction se révèle être trop mince? «Je resterai soulagée d’avoir pu crier publiquement mon calvaire», confie la principale victime des gourous lyonnais. Avec l’espoir que son exemple aura au moins servi d’avertissement aux victimes potentielles de la Scientologie.

Les comptes de la secte

L’«Eglise» de scientologie a été fondée en 1954 par Ron Hubbard, décédé en 1986.

Elle revendique 8 millions d’adeptes dans plus de100 pays, dont 40 000 en France.

Ses centres vendent des livres, des séances d’audition, des cures de purification.

Un compte bancaire a été découvert au Luxembourg, où les Eglises européennes paieraient leur redevance à la maison mère américaine:310 millions de francs par an.


http://www.lexpress.fr/Express/Info/Societe/Dossier/scientologie/dossier.asp?nom=place

La pieuvre scientologue  

L’Express du 12/04/2001
Un logiciel scientologue Place Beauvau
par Jérôme Dupuis

L’antivirus informatique Panda, acheté par le ministère de l’Intérieur, est fabriqué par une société appartenant à un généreux membre de la secte

Le ministère de l’Intérieur a-t-il financé, à son insu, l’�glise de scientologie? La question agite les couloirs feutrés de la Place Beauvau depuis quelques jours: une enquête interne a en effet révélé que le ministère avait souscrit un contrat avec une société informatique dirigée par un célèbre scientologue. Selon nos informations, la Direction des transmissions et de l’informatique (DTI) a signé, en 2000, un contrat avec Panda Software pour une utilisation illimitée d’un logiciel antivirus baptisé «Global Assurance Antivirus 24 h/24-365 jours/an». Montant du bon de commande:200 000 francs. Selon le ministère de l’Intérieur, 12% de son parc informatique, qui alimente aussi bien l’administration centrale que les commissariats ou les préfectures, utiliserait le logiciel Panda. «Nous n’avons aucune possibilité légale d’évincer d’un marché une entreprise dirigée par un scientologue», explique-t-on chez Daniel Vaillant.

© DR

L’annuaire de Wise, l’institut mondial des entreprises scientologues, dans lequel figure Panda Software, qui a signé un contrat avec le ministère de l’Intérieur.

Fondé en 1990 à Bilbao, Panda Software est aujourd’hui le quatrième éditeur au monde de logiciels antivirus, ces produits qui évitent aux ordinateurs d’être envahis par des parasites du type ILOVEYOU. Le nom du fondateur de cette multinationale implantée dans 50 pays, Mikel Urizarbarrena, apparaît dans le n° 66 d’Impact, le magazine sur papier glacé de la secte, pour avoir fait un don de 40 000 dollars (soit 240 000 francs), en 1996, à l’Association internationale des scientologues. Un petit cadeau, réitéré régulièrement depuis, qui lui a valu le titre honorifique de «patron». Un responsable de la succursale française de Panda est lui aussi un adepte de la «religion» fondée par Ron Hubbard.

Conseils généraux et importantes sociétés

Plusieurs conseils généraux – dont ceux de la Gironde, du Gard ou de l’Indre-et-Loire – et d’importantes sociétés – Naf Naf, Carrefour, JC Decaux… – ont également signé avec la firme espagnole. Panda se prévaut même, dans un document, de contrats avec des «agences de renseignement»… La société de Mikel Urizarbarrena n’est pourtant pas tout à fait un groupe comme les autres. Elle verse en effet un pourcentage de ses bénéfices au World Institute of Scientology Enterprises (Wise), une organisation basée aux Etats-Unis qui regroupe près de 2 500 sociétés dirigées ou contrôlées par des scientologues (voir le fac-similé). La France en compte une petite quarantaine. Une partie du montant du contrat signé avec le ministère de l’Intérieur français – on parle de 6 à 9% – a donc logiquement dû approvisionner les caisses de Wise. Officiellement, cette «dîme» rémunère l’utilisation de la «technologie Ron Hubbard» par les entreprises affiliées à l’organisation.

Mais, au-delà du financement de la secte, le contrat signé avec le ministère de l’Intérieur suscite des interrogations plus… techniques. Est-on bien certain que les mises à jour régulières du logiciel par Panda ne permettent pas de pénétrer dans les bases de données ultraconfidentielles du ministère? «Notre réseau est sécurisé et ne permet aucune intrusion extérieure», assure-t-on Place Beauvau. Il y a dix ans déjà, une polémique était née de la signature d’un contrat entre une entreprise informatique proche de la Scientologie et le groupe d’intervention de choc du ministère, le Raid.

Fin 2000, le ministère de l’Intérieur allemand a, lui aussi, dû affronter un problème similaire: Berlin s’était aperçu que le logiciel Diskeeper, présent dans le programme Windows 2000 de Microsoft, était fabriqué par une société informatique dirigée par un scientologue notoire. Très à cheval sur la lutte contre les sectes, le gouvernement de Berlin a demandé à Microsoft d’inclure un «déprogrammateur» du logiciel «suspect» sur Windows 2000. La firme de Bill Gates a cédé à l’amicale pression du ministère de l’Intérieur allemand…